Epargne salariale, Fonds de pension, Retraite par capitalisation...

 

 

 

 

Vous trouverez ci-dessous deux documents :

1) Pourquoi notre gouvernement envisage-t-il d'abandonner le système de retraite par répartition pour un système de retraite par capitalisation ?

2) Un petit récapitulatif des arguments contre le système de l’épargne salariale.

 

 

Pourquoi notre gouvernement envisage-t-il d'abandonner le système de retraite par répartition pour un système de retraite par capitalisation ?

[Les numéros entre parenthèses font référence au livre "La Bourse ou la Vie" de Philippe Labarde et Bernard Maris (Albin Michel – 2000), dont le document ci-dessous s'inspire très largement].

Le système de retraites actuellement en place en France est le "système de retraites par répartition". Dans ce système, ce sont les actifs qui, tous les jours, paient la retraite des retraités (p. 80). Le problème est que la population vieillit : il y a donc de plus en plus de retraités et de moins en moins d'actifs (pp. 78-79). Si on garde ce système tel quel, soit les actifs devront payer plus, soit les retraités devront toucher moins, soit les salariés devront travailler plus longtemps, soit faire un panachage des trois (pp. 82-83 et p. 106). Une autre solution serait d'avoir recours à la main d'oeuvre étrangère (p. 79). Comme ces solutions sont impopulaires (p. 82), les "capitalistes" ont proposé une solution alternative : "le système des fonds de pension" ou "système de retraites par capitalisation". Dans ce système, ce ne sont pas les actifs qui payent pour les retraités, mais chacun cotise pour sa propre retraite (p. 81). Ce système d'"épargne salariale" est assez proche des PEE, les plans d'épargne entreprise (p. 99). Bien sûr, dans ce système géré par les capitalistes, ceux-ci se servent largement (pp. 90 et 141-142).

Ce système, par ailleurs, est profondément inégalitaire. Par exemple, pour un salaire multiplié par trois, actuellement, on observe que l'épargne est multipliée par cinq (p. 91). Ainsi, ceux dont le salaire est faible et qui, donc, n'ont quasiment pas les moyens d'épargner pour leur retraite, auront une retraite très faible. Et ceux dont le salaire leur aura permis d'épargner beaucoup auront une très belle retraite. Bref, les fonds de pension accroissent les inégalités.

Autre "inconvénient" des fonds de pension : Contrairement aux salaires, les rémunérations non salariales ne paient pas de charges sociales. Autrement dit : moins d'impôt, donc des services publics (santé, éducation...) qui fonctionnent moins bien, et donc, à terme, en poussant le raisonnement jusqu'au bout, des services publics que l'on cède au privé (pp. 89-90).

Encore un autre argument contre les fonds de pension : à partir de 2006, la génération du baby boom voudra toucher sa retraite (en vendant les actions des fonds de pension). Il y aura donc plus d'offreurs que de demandeurs et donc une tendance à la chute des actions. Conséquence : le revenu tiré des fonds de pension sera inférieur à ce qui était prévu par simple extrapolation des tendances actuelles (p. 101). On en revient au même problème que pour les retraites par répartition : à cause du vieillissement de la population, un déséquilibre actifs/inactifs va se poser (p. 102). Pour éviter cela, certains proposent que les Chinois paient nos retraites (p. 102) ! En gros, on promet de l'argent, beaucoup d'argent, aux premiers qui entrent dans la chaîne, argent que l'on donne grâce à la seconde vague ; on paie la seconde vague par la troisième, beaucoup plus importante, jusqu'à ce que les derniers, qui ont tout donné, ne reçoivent plus un centime : c'est ce qui s'est passé avec le système pyramidale en Albanie (p. 103).

Une solution proposée : "une très légère augmentation des cotisations patronales sauverait le système par répartition" (pp. 110, 87 et 130-131).

 

 

Petit récapitulatif des arguments contre le système de l’épargne salariale

1) Un manque à gagner pour la Sécurité Sociale.

L'épargne salariale, n'étant pas soumise à l'impôt, constitue un manque à gagner dans les caisses de l'Etat. En généralisant ce système, ce serait un coup sévère porté à la Sécurité Sociale. Ainsi, l'ensemble des dispositifs déjà en place en France (intéressement, participation et actionnariat des salariés) "a généré un flux de 45,4 milliards de F en 1997. Il a entraîné 20 milliards d'exonérations de charges sociales et 5 milliards de F d'exonérations fiscales. Autant de manque à gagner pour la Sécurité sociale et le budget de l'Etat." [1]

2) Le remplacement de l'augmentation de salaire par une rémunération-casino.

"L'association aux résultats de l'entreprise se substitue à l'augmentation de salaire. Voilà pourquoi elle intéresse le patronat. Au lieu de faire progresser les salaires réels au même rythme que celui de la productivité, le nouveau modèle repose sur deux propositions : le blocage des rémunérations et une contrepartie sous forme d'association aux résultats financiers. [...] Le risque financier est reporté sur les salariés. Alors que la rémunération sous forme de salaire est pérenne, celle des actions dépend de l'évolution des cours. Or rien n'autorise à croire que la hausse observée pendant la dernière décennie – le CAC 40 a été multiplié par 2,4 depuis 1990 – se poursuivra indéfiniment. A long terme, c'est même le contraire qui devrait se produire, par l'effet mécanique de l'arrivée à la retraite des générations nombreuses de l'après-guerre." [1] "La retraite va donc devenir une loterie, selon qu'on la prendra une bonne année ou une mauvaise." [2]

3) Un système inégalitaire.

"La redistribution est inégalitaire et discrétionnaire ; elle est fonction du revenu : les cadres en profitent plus que les travailleurs du rang, et les cadres dirigeants plus que tous les autres (notamment en ce qui concerne les stock options)." [1] Ainsi, "le salarié qui gagne de 14 000 à 20 000 francs nets par mois parvient à accumuler en plans d'épargne entreprise (PEE), actions (PEA) et autres, jusqu'à 42 % de son salaire. Celui qui gagne 6 000 francs, 8 %. Salaire multiplié par 3, épargne multipliée par 5." [4]

4) Une déstabilisation du système d'épargne populaire.

"Il n'est pas certain que l'épargne salariale apporte de l'épargne supplémentaire." L'épargne salariale risque de se faire "au détriment de l'épargne populaire (notamment le livret A et l'épargne-logement), ce qui risque de déstabiliser des circuits de financement dédiés à l'intérêt général." [1]

5) Une soumission accrue à la finance.

Une raison supplémentaire "de refuser les fonds de pension est qu'ils représenteraient une soumission accrue au monde de la finance." L'argent mis dans les fonds de pension irait en effet augmenter la spéculation. "Une telle dépendance aurait des effets économiquement détestables, sous forme [...] d'une instabilité financière internationale accrue, et enfin d'une pression permanente aux réductions d'effectifs." Les dégraissages étant souvent un moyen de faire monter les cours d'une action. [2]

6) Les fonds de pension français ne permettraient pas de soutenir les entreprises françaises.

L'argument souvent entendu que cet épargne permettrait de favoriser les entreprises nationales ne tient pas : "pourquoi des "fonds de pension à la française" se comporteraient-ils de manière différente des fonds de pension anglo-saxons, et n'iraient-ils pas chercher une rentabilité financière plus élevée à l'autre bout du monde ?" [1]

7) Un système qui risque de poser problème lors du départ à la retraite des papy-boomers.

Les fonds de pension ont été proposés pour tenter de résoudre le problème du déséquilibre actifs/inactifs qui se posera, dans le cadre du système par répartition, lors du départ à la retraite des papy-boomers. Or, le problème se pose aussi dans le cadre du système par capitalisation. L'OCDE elle-même reconnaît le problème : "A mesure que les membres des générations du baby boom partiront à la retraite dans 10 à 20 ans, ils auront probablement un comportement de vendeurs nets, au moins pour une partie des titres accumulés durant leur vie de travail. La génération suivante est de moindre taille, il existe donc une possibilité que, au moment de la retraite, la génération du baby boom découvre que le revenu tiré des fonds de pension est inférieur à ce qui avait été prévu par simple extrapolation des tendances actuelles" [5]

8) La fin de la solidarité intergénérationnelle des jeunes envers les vieux.

Dans le système par répartition, ce sont les actifs qui, tous les jours, paient la retraite des retraités. Dans le système par capitalisation, cette solidarité des actifs envers les inactifs n’existe plus. De surcroît, les retraités-actionnaires, afin de voir le cours de leurs actions monter, auront tendance à encourager les licenciements au sein des entreprises-même où travaillent leurs enfants. [6]

9) Une retraite qui interdit de vivre vieux.

Avec le système de retraite par répartition, on touche la même retraite jusqu'à la fin de sa vie. Avec le système par capitalisation, ce n'est plus le cas : on n'a plus le droit de vivre vieux. Une fois son épargne consommée, il ne vous reste plus qu'à mourir ! Vous êtes devenus inutiles pour la société. [7]

10) Un système qui exclut tout autre système.

Un argument que l'on entend est que le système de retraite par capitalisation serait facultatif : si on ne veut pas des fonds de pension, on n'est pas obligé de les accepter. C'est faux ! Les deux systèmes ne peuvent pas coexister. Plus on avancera vers le système par capitalisation, plus il sera difficile de faire marche arrière. En effet, plus on s'orientera vers un système où les patrons sont exonérés de charges sociales, moins l'argent rentrera dans les caisses de la Sécurité sociale, et donc moins le système par répartition sera efficace. Et, comme le système sera de moins en moins efficace, il sera de plus en plus facile aux défenseurs des fonds de pension de réclamer son abandon définitif. C'est ce qu'on appelle une prophétie auto-réalisatrice. Il est donc urgent de renforcer le système par répartition plutôt que de l'affaiblir. [7]

11) L'augmentation de la productivité rend le système par répartition largement viable

" Ce qu’il importe de savoir, c’est si la progression de la productivité du travail permettra de couvrir, et même de dépasser, la détérioration du rapport actifs/inactifs [...]. En prenant les chiffres officiels qui prévoient un passage d’un actif pour 1,6 inactif aujourd’hui à un pour deux en 2040, cela représente une détérioration de 25% en 40 ans, soit 0,56% par an. [...On] se trouve en présence d’une détérioration inférieure à l’augmentation annuelle moyenne de la productivité. Jean-Michel Charpin lui-même table pour celle-ci sur une augmentation minimale de 1,7% par an et écrit : "Quel que soit l’arbitrage retenu [...], la croissance de la productivité permet de financer des pensions de retraite plus élevées qu’elles ne le sont aujourd’hui, et ce pendant plus longtemps." " [8] Il faut savoir que, "en France, la part des salaires est passée, en vingt ans, de 69% à moins de 60% du produit intérieur brut" (au profit du capital) [3] "Dix points de PIB, cela représente environ 900 milliards de francs actuels par an qui ont été détournés [...]. Le financement des retraites par répartition qui est largement basé sur des cotisations assises sur la masse salariale ne posera de problèmes dans l’avenir que si et seulement si les salariés sont privés des gains de productivité qu’ils auront réalisés, c’est-à-dire si le partage inégal actuel est pérennisé." [8]

 

 

 

Notes :

[1] document ATTAC "Epargne salariale : fausses raisons et vrais enjeux"

[2] document ATTAC "La finance contre les retraites" – avril 1999

[3] document ATTAC "Emploi ou finance : un choix de société" – juin 2000

[4] p. 91 de "La Bourse ou la vie" de Philippe Labarde et Bernard Maris

[5] OCDE – 1998, cité par le document ATTAC "Epargne salariale : fausses raisons et vrais enjeux"

[6] cf. p. 96 de La Refondation du monde par Jean-Claude Guillebaud – 1999 – Seuil

[7] d'après Michel Husson, lors du meeting ATTAC du 11/01/2001

[8] Jean-Marie Harribey, professeur de sciences économiques et sociales à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, pp. 43 à 48 de Economie et politique n°550-551 de mai-juin 2000. Article en consultation sur http://attac.org/fra/list/doc/harribey5.htm

 

 

 

 

 

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