GEOPOLITIQUE DU CHAOS

(extraits de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée – 160 pages – 148 francs)

 

 

 

 

 

En résumé…

" Le rythme précipité et la profondeur des transformations de tous ordres, en cette fin de millénaire, stupéfient. La mondialisation de l'économie bouleverse tout, stimulée par l'accélération des technologies de l'information. Le marché et la communication s'imposent comme modèles généraux ayant vocation à transformer toutes les activités humaines. Etats-nations, gouvernements, partis et syndicats perdent leurs repères traditionnels. Les responsables politiques donnent l'impression de ne pas être à la hauteur, de ne point comprendre qu'ils vivent un radical changement d'ère.

Les Etats-Unis, superpuissance unique, doivent désormais compter sur la rivalité de deux autres pôles : l'Europe et l'Asie-Pacifique. Mais ce triptyque triomphant est à son tour défié par les pays émergents, et par le déferlement des haines ethniques, nationalistes et religieuses qui explosent partout. Il doit également faire face à l'effondrement du Sud où vit 80% de la population du globe.

Dans un monde interdépendant, la protection de l'environnement relève également de la haute politique. Quelles réponses globales à des questions cruciales sur la démographie, la techno-science, l'effet de serre, le sous-développement, le système de sécurité ?

A quoi ressemble le nouveau paysage planétaire ? Quels Etats, quelles forces, quels nouveaux paradigmes émergent dans ce contexte ? Quel est le système de pensée dominant ? Quelles nouvelles clés pour comprendre la formidable mutation actuelle ? L'envergure ne doit pas nous faire douter du futur. " (Ignacio Ramonet, au dos du livre Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Table des matières

· Introduction · Mutation du futur · La néohégémonie américaine · Régimes globalitaires · Le système PPII [planétaire, permanent, immédiat, immatériel] · Montée de l'irrationnel · Le matin des tribus · Les rébellions à venir · L'agonie de la culture · L'ère Internet · Postface. Le modèle archipel

 

 

" Jamais les maîtres de la Terre n'ont été aussi peu nombreux, ni aussi puissants "

" Aujourd'hui, ce sont des entreprises et des conglomérats, des groupes industriels et financiers privés qui entendent dominer le monde, lancent leurs razzias, et amassent un immense butin. Jamais les maîtres de la Terre n'ont été aussi peu nombreux, ni aussi puissants. " (p. 11 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

" [...] à l'heure actuelle déjà, sur les deux cents premières économies du monde, plus de la moitié ne sont pas des pays mais des entreprises. [...]

Le chiffre d'affaires de la General Motors est plus élevé que le produit national brut (PNB) du Danemark, celui de Ford est plus important que le PNB de la Norvège. Et nous sommes ici dans le domaine de l'économie réelle, celle qui produit et échange des biens et services concrets. Si l'on y ajoute les acteurs principaux de l'économie financière, c'est-à-dire les principaux fonds de pension américains et japonais qui dominent les marchés financiers, le poids des Etats devient presque négligeable. " (pp. 61-62 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Produire plus en moins de temps

" L'accélération technologique a fortement stimulé, ces dernières années, la productivité et l'on peut désormais produire plus, en moins de temps et avec moins de salariés. En France, selon André Gorz, la durée annuelle du travail a diminué d'un tiers en trente ans, cependant que la production a plus que doublé. Et le phénomène s'accentue, au point que l'on peut aujourd'hui produire plus de richesses sans créer d'emplois. " (p. 31 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Le Nivellement par le bas ou "dumping social"

" Les salariés des pays d'origine de la firme sont intégrés malgré eux dans le marché international du travail. Le nivellement se faisant par le bas, les faibles salaires et la moindre protection sociale l'emportent. [...] L'entreprise globale recherche, par les délocalisations et l'augmentation incessante de la productivité, le profit maximal ; cette obsession la conduit à produire là où les coûts salariaux sont les plus faibles et à vendre là où les niveaux de vie sont les plus élevés. Au Sud, les délocalisations d'usines visent à exploiter et à tirer profit d'une main d'œuvre très bon marché. Au Nord, automatisation, robotisation et nouvelle organisation du travail entraînent des licenciements massifs (downsizing) qui traumatisent profondément les sociétés démocratiques développées, d'autant que la destruction de millions d'emplois n'est point compensée par des créations dans d'autres secteurs. " (pp. 51-52 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Darwinisme social

" [...] seuls les plus forts l'emportent, en toute légitimité, les plus faibles sont exclus. La vie est une lutte, une jungle. Darwinisme économique et darwinisme social (appels constants à la compétition, à la sélection, à l'adaptation) s'imposent comme allant de soi. " (p. 69 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

L'Asie en concurrence avec l'Europe

" Actuellement, un milliard et demi de travailleurs en Asie-Pacifique gagnent entre 2,5 et 44 dollars par jour, quand le salaire journalier moyen dans les pays industrialisés d'Europe de l'Ouest, des Etats-Unis et du Japon n'est jamais inférieur à 95 dollars [...]. Les produits manufacturés et les produits agricoles reviennent donc beaucoup moins chers dans les pays du Sud et concurrencent ceux fabriqués ou cultivés dans le Nord. Cela entraîne des délocalisations d'usines vers le Sud et du chômage de masse au Nord, ainsi que des tentatives de démantèlement des protections sociales accusées de renchérir le coût du travail... " (p. 22 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Madeleine Albright à la conquête du monde

" Madeleine Albright [, alors secrétaire d'Etat, affirmait] : "L'un des objectifs majeurs de notre gouvernement est de s'assurer que les intérêts économiques des Etats-Unis pourront être étendus à l'échelle planétaire." " (p. 47 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Uniformisation du monde

" Autour de soi, chacun sent bien que l'alibi de la modernité sert à tout faire ployer sous l'implacable niveau d'une stérile uniformité. Un pareil style de vie s'impose d'un bout à l'autre de la planète, répandu par les médias et prescrit par le matraquage de la culture de masse. De La Paz à Ouagadougou, de Kyoto à Saint-Pétersbourg, d'Oran à Amsterdam, mêmes films, mêmes séries télévisées, mêmes informations, mêmes chansons, mêmes slogans publicitaires, mêmes objets, mêmes vêtements, même urbanisme, même architecture, même type d'appartements souvent meublés et décorés d'identique manière... " (p. 49 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Ultralibéralisme et Montée des nationalismes

" Imposer au forceps la stratégie ultralibérale, en dépit des résistances populaires, signifie non seulement affaiblir la démocratie mais encore alimenter les nationalismes les plus agressifs. "Le réveil des nationalismes à l'Est n'est le plus souvent qu'une réaction de gens désespérés – estime Karol Modzelewski –, ouvriers, techniciens, enseignants paupérisés et déclassés, tous cherchent des explications simples au phénomène incompréhensible de leur malheur. Et ils trouvent des coupables faciles : les élites, les étrangers, les gens de langue ou de religion différentes sur lesquels décharger leurs frustrations." " (p. 30 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Economie financière et économie réelle

" Le volume des transactions financières est dix fois supérieur à celui des échanges commerciaux. L'économie financière l'emporte, de loin, sur l'économie réelle. Le mouvement perpétuel des monnaies et des taux d'intérêt apparaît comme un facteur d'instabilité, d'autant plus dangereux qu'il est autonome et de plus en plus déconnecté du pouvoir politique. " (p. 55 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

" [...] le montant des transactions sur les marchés monétaires et financiers représente environ cinquante fois la valeur des échanges commerciaux internationaux... " (p. 70 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Les spéculateurs : économie casino et tricheries

" Avec le krach d'octobre 1987 et le dégonflement de la "bulle" financière, les faillites se sont succédé en cascade et l'on a alors découvert d'incroyables escroqueries propres à l'économie-casino. Au Japon [...], sur la liste des dix plus grandes fortunes publiée par le mensuel Nikkei Ventre, on ne trouve que trois milliardaires devant leurs richesses à des activités relevant de l'économie réelle. Les autres sont des spéculateurs.

De nombreuses personnalités qui durant la seconde moitié des années quatre-vingt avaient été citées en modèle à cause de leur foudroyant enrichissement ont été inculpées d'escroquerie, d'extorsion, d'abus de confiance et de corruption de divers ordres. Elles se sont souvent retrouvées en prison. Les héros étaient des tricheurs. La liste est interminable qui va de Robert Maxwell à Bernard Tapie.

Leur conception de l'économie-casino a été directement responsable, entre autres, de la débâcle des caisses d'épargne américaines (40 milliards de dollars de pertes) qui a entraîné la ruine de milliers d'épargnants, ou de la déconfiture du Crédit Lyonnais en France (plus de 100 milliards de francs de pertes). Cela prouve, une fois encore, le fallacieux présupposé, rappelé ironiquement par John K. Galbraith, et qui voudrait faire croire que "les gros capitaux seraient nécessairement entre des gens doués d'une puissance intellectuelle exceptionnelle". " (p. 28 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

" L'ère ouverte par Ronald Reagan et caractérisée par la déréglementation et les golden boys se terminait de manière affligeante. La plupart des grands héros de la Bourse, ceux dont l'enrichissement foudroyant émerveillait le monde et semblait montrer l'efficacité du capitalisme flamboyant – les Ivan Boesky, Michael Milken, Martin Siegel, Dennis Levine, John Gutfreund – se sont révélés être des imposteurs et ont souvent fini en prison.

Leur fureur spéculative, et celle de leurs émules avaient fini par mettre en péril non seulement le système boursier américain (cf. le krach d'octobre 1987), mais le système financier international. " (p. 42 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Une sauvagerie potentielle à réguler

" Le plus grave, dans cette instrumentalisation idéologique de la mondialisation, c'est évidemment de condamner par avance – au nom du "réalisme" – toute velléité de résistance ou même de dissidence. Sont ainsi frappés d'opprobre ou définis comme "populistes" tous sursauts républicains, toutes recherches d'alternatives, toutes tentatives de régulation démocratique, toutes critiques du marché. La mondialisation n'est ni une fatalité incontournable, ni un "accident" de l'histoire. Elle constitue un grand défi à relever, une sauvagerie potentielle à réguler, c'est-à-dire, au bout du compte, à civiliser. C'est politiquement qu'il s'agit de résister à cette obscure dissolution de la politique elle-même dans la résignation ou la désespérance. " (p. 56 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Des inégalités qui pourraient conduire à une augmentation du terrorisme et de la violence

" Le professeur Klaus Schwab, fondateur du forum de Davos, a lui-même formulé la première mise en garde : "La mondialisation est entrée dans une phase très critique. Le retour de bâton se fait de plus en plus sentir. On peut craindre qu'il y ait un impact fort néfaste sur l'activité économique et la stabilité politique de nombreux pays."

D'autres experts ont fait un constat encore plus pessimiste. Ainsi, Rosabeth Moss Kanter, ancienne directrice de la Harvard Business Review et auteur de l'ouvrage The World Class, a averti : " Il faut créer la confiance chez les salariés, et organiser la coopération entre les entreprises afin que les collectivités locales, les villes et les régions bénéficient de la mondialisation. Sinon nous assisterons à la résurgence de mouvements sociaux comme nous n'en avons jamais vu depuis la seconde guerre mondiale." C'est également la grande crainte de Percy Barnevik, patron de Asea Brown Boverti (ABB), l'une des principales compagnies énergétiques du monde, qui a lancé ce cri d'alerte : "Si les entreprises ne relèvent pas les défis de la pauvreté et du chômage, les tensions vont s'accroître entre les possédants et les démunis, et il y aura une augmentation considérable du terrorisme et de la violence." " (pp. 58-59 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

" Le mécanisme qui peut arrêter cette course au désastre, dans la phase de glaciation mondialisatrice à laquelle nous sommes parvenus, est celui d'une dissidence impliquant progressivement une masse critique de citoyens décidés à faire prévaloir leurs droits élémentaires et à favoriser l'avènement d'une vraie société politique. " (p. 62 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Le temps des révolutions

" L'adoption aveugle des recettes libérales par certains pays du Sud conduit à une modernisation qui ne se propose pas de réduire les abyssales inégalités existantes et n'envisage pas – du moins dans un premier temps – l'intégration de la population déshéritée dans le circuit de la richesse. Comme, d'autre part, l'Etat cesse de garantir le droit à l'éducation, au logement et à la santé, des révoltes vont se multiplier. Quand le rêve d'évolution se dissipe, revient le temps des révolutions.

La voix des pauvres se fera de plus en plus entendre dans un monde où, bientôt, les nantis seront cinq cents millions et les laissés-pour-compte plus de cinq milliards... " (p. 124 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Civilisations mortelles

Selon Paul Valéry : " Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles : nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins, descendus au fond inexplorable des siècles, avec leurs dieux et leurs lois, leurs académies et leurs dictionnaires... Nous voyons maintenant que l'abîme de l'histoire est assez grand pour tout le monde. " (Paul Valéry, cité p. 130 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

0,75% de la main d'oeuvre se trouve dans les 200 plus grandes firmes

" [...] si l'on considère le chiffre d'affaires global des 200 principales entreprises de la planète, son montant représente plus du quart de l'activité économique mondiale ; et pourtant, ces 200 firmes n'emploient que 18,8 millions de salariés, soit moins de 0,75% de la main d'oeuvre planétaire... " (p. 61 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Tiers-mondisation du Royaume-Uni

" [...] selon des rapports récents de l'ONU, de la Banque mondiale et de l'OCDE : "Au Royaume-Uni, les inégalités entre riches et pauvres sont les plus importantes du monde occidental, comparables à celles qui existent au Nigeria, et plus profondes que celles que l'on trouve, par exemple, à la Jamaïque, au Sri Lanka ou en Ethiopie." " (p. 64 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Inégalités aux Etats-Unis

" [...] comme le constate l'International Herald Tribune, du 19 avril 1995 : "1% des personnes les plus fortunées contrôlent environ 40% de la richesse nationale, soit deux fois plus qu'au Royaume-Uni qui est le pays le plus inégalitaire d'Europe occidentale." " (p. 74 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

"Le capitalisme ne peut s'effondrer" (A. Minc)

Selon Alain Minc : " Le capitalisme ne peut s'effondrer, c'est l'état naturel de la société. La démocratie n'est pas l'état naturel de la société. Le marché oui " (Alain Minc, cité p. 74 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée)

 

 

Pire que le colonialisme

" [...] le peintre espagnol Miquel Barceló, considéré comme l'une des plus brillantes révélations de la nouvelle peinture contemporaine, qui vit au Mali, exprime sa révolte devant les inégalités entre le Nord et le Sud : "Les choses les plus atroces sont peut-être les moins spectaculaires, comme par exemple la façon dont l'Occident écrase le tiers-monde entre la Banque mondiale, les crédits et le contrôle des matières premières des pays les plus pauvres du monde. C'est une situation plus cruelle que le colonialisme. Au moins, durant le colonialisme, les pays du Nord se sentaient obligés de construire des routes et des écoles. Maintenant ils n'ont aucune obligation. [...]" " (pp. 138-139 de Géopolitique du chaos par Ignacio Ramonet – 1997 – Galilée) 

 

 

 

 

 

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