L'HORREUR ECONOMIQUE

(extraits de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

 

 

 

 

 

 

En résumé…

" Nous vivons au sein d'un leurre magistral, d'un monde disparu que des politiques artificielles prétendent perpétuer. Nos concepts du travail et par là du chômage, autour desquels la politique se joue (ou prétend se jouer) n'ont plus de substance : des millions de vies sont ravagées, des destins sont anéantis par cet anachronisme. L'imposture générale continue d'imposer les systèmes d'une société périmée afin que passe inaperçue une nouvelle forme de civilisation qui déjà pointe, où seul un très faible pourcentage de la population terrestre trouvera des fonctions. L'extinction du travail passe pour une simple éclipse alors que, pour la première fois dans l'Histoire, l'ensemble des êtres humains est de moins en moins nécessaire au petit nombre qui façonne l'économie et détient le pouvoir. Nous découvrons qu'au-delà de l'exploitation des hommes, il y avait pire, et que, devant le fait de n'être plus même exploitable, la foule des hommes tenus pour superflus peut trembler, et chaque homme dans cette foule. De l'exploitation à l'exclusion, de l'exclusion à l'élimination... ? " (au dos du livre L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Rechercher un travail qui n'existe pas…

" On ne sait s'il est risible ou bien sinistre, lors d'une perpétuelle, indéracinable et croissante pénurie d'emplois, d'imposer à chacun des chômeurs décomptés par millions – et ce, chaque jour ouvrable de chaque semaine, chaque mois, chaque année – la recherche " effective et permanente " de ce travail qu'il n'y a pas. " (pp. 18-19 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Les riches n'ont plus besoin des pauvres

" [...] La pente suivie est bien celle-là, néanmoins. Une quantité majeure d'êtres humains n'est déjà plus nécessaire au petit nombre qui, façonnant l'économie, détient le pouvoir. Des êtres humains en foules se retrouvent ainsi, selon les logiques régnantes, sans raison raisonnable de vivre en ce monde où pourtant ils sont advenus à la vie. " (pp. 36-37 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

" Qu'elle qu'ait pu être l'histoire de la barbarie au cours des siècles, jusqu'ici l'ensemble des humains a toujours bénéficié d'une garantie : il était essentiel au fonctionnement de la planète comme à la production, à l'exploitation des instruments du profit dont il figurait une part. Autant d'éléments qui le préservaient.

Pour la première fois, la masse humaine n'est plus matériellement nécessaire [...] " (p. 193 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Les pauvres ont-ils le droit de vivre ?

" Nul n'osera déclarer, en démocratie, que la vie n'est pas un droit, qu'une multitude de vivants est en nombre excédentaire. Mais, sous un régime totalitaire, ne l'oserait-on pas ? Ne l'a-t-on pas osé déjà ? Et n'en admettons-nous pas déjà le principe, tout en le déplorant, lorsqu'à des distances équivalentes à celles de nos lieux de vacances, la famine décime des populations ? " (p. 38 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

L'Economie au pouvoir

" Voici donc l'économie privée lâchée comme jamais en toute liberté – cette liberté qu'elle a tant revendiquée et qui se traduit en déréglementations légalisées, en anarchie officielle. Liberté assortie de tous les droits, de toutes les permissivités. Débridée, elle sature de ses logiques d'une civilisation qui s'achève et dont elle active le naufrage. " (p. 42 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

" [...] la priorité de leurs bilans tient lieu de loi universelle, de dogme, de postulat sacré, et c'est avec la logique des justes, l'impassible bienveillance des belles âmes et des grands vertueux, le sérieux des théoriciens, qu'est provoqué le dénuement d'un nombre toujours croissant d'êtres humains et que sont perpétrés la soustraction des droits, la spoliation des vies, le massacre des santés, l'exposition des corps au froid, à la faim, aux heures vides, à la vie horrifiée. " (pp. 44-45 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Le tiers-monde

" Cette agrégation d'anonymats, on la retrouve, démultipliée, dans ces foules immenses abandonnées sur d'autres continents, des populations entières, parfois, livrées à la famine, aux épidémies, à toutes les formes de génocides, et souvent sous l'emprise de potentats agréés et soutenus par les grandes puissances. Foules d'Afrique, d'Amérique du Sud. Misère du sous-continent indien. Tant d'autres. Echelles monstrueuses, et l'indifférence occidentale à la mort latente ou aux hécatombes qui se déroulent à des distances qui sont celles de banales destinations touristiques.

Indifférence aux masses de vivants sacrifiés ; quelques minutes d'émotion, toutefois, lorsque la télévision diffuse deux ou trois images de ces dérélictions, de ces tortures, et que nous nous grisons discrètement de nos indignations magnanimes, de la générosité de nos émotions, de nos serrements de cœur sous-tendus par la satisfaction, plus discrète encore, de n'être que des spectateurs – mais dominants. " (p. 54 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

" Mais qui d'entre nous hurle en apprenant qu'aux Indes, par exemple, des pauvres vendent leurs organes (rein, cornée, etc.) afin de subsister un temps ? [...] Quels boucliers levés contre le tourisme sexuel ? " (pp. 201-202 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

La pauvreté se développe dans les pays riches

" [...] loin de voir les zones sinistrées [le tiers-monde] sortir de leur désastre et rejoindre les nations prospères – comme on avait pu le croire, comme on avait cru pouvoir le croire –, on assiste à l'instauration de ce désastre dans des sociétés jusque-là en expansion et d'ailleurs toujours aussi riches qu'auparavant, mais où les modes d'acquisition du profit se sont transformés. " (p. 56 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

" L'accentuation du chômage dans les pays développés tend […] à les faire insensiblement rejoindre la pauvreté du tiers-monde. On avait pu espérer voir se produire le contraire, et la prospérité se propager ; c'est la misère qui se mondialise et se répartit dans les contrées jusqu'ici favorisées, avec une équité qui fait honneur aux partisans de ce terme en vogue. " (p. 149 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

L'indifférence

" L'indifférence est féroce. Elle constitue le parti le plus actif, sans doute le plus puissant. Elle permet toutes les exactions, les déviations les plus funestes, les plus sordides. Ce siècle en est un tragique témoin. " (p. 59 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Vous avez perdu votre travail ? Perdez donc aussi votre logement…

" Quelle corrélation raisonnable peut-il y avoir, par exemple, entre perdre un travail et se faire expulser, se retrouver à la rue ? La punition n'a aucune commune mesure avec le motif avancé, donné pour évident. Que soit traité comme un crime le fait de ne pas pouvoir payer, de ne plus pouvoir payer, de ne pas réussir à payer, est déjà en soi surprenant, si l'on y réfléchit. Mais être ainsi châtié, jeté à la rue, pour n'avoir plus été en mesure de régler un loyer parce que l'on n'a plus de travail [...] relève du démentiel ou d'une perversité délibérée. D'autant plus qu'un domicile sera exigé pour conserver ou trouver ce travail qui seul permettrait se retrouver un domicile. [...] Ce n'est pas seulement injuste, c'est d'une atroce absurdité, d'une bêtise consternante, qui rend comiques les allures suffisantes de nos sociétés dites civilisées. " (p. 68 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Dresser les pauvres contre les pauvres pour mieux régner

" Faire ici une différence entre Français de souche et enfants d'immigrés ayant ou non droit à la citoyenneté française, reviendrait à tomber dans l'un des pièges destinés à distraire de l'essentiel pour régner. Il s'agit avant tout de pauvres. Et de pauvreté. " (p. 84 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

" Même si on dresse des pauvres contre des pauvres, des opprimés contre des opprimés et non contre les oppresseurs, contre ce qui opprime, c'est cette condition-là qui est visée, brimée, et que l'on répudie. On a rarement vu, à notre connaissance, un émir expulsé, " scotché " dans un charter ! " (p. 84 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

La violence des pauvres justifie leur rejet

" Ils ne peuvent secouer leur sort et leur joug que par des moyens détournés, souvent dans la violence, dans l'illégalité, qui les affaiblissent davantage et répondent en un sens aux vœux de ceux qui ont intérêt à les maintenir à l'écart dans cet abandon, ainsi justifié. " (p. 89 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Ces patrons qui utilisent les aides de l'Etat pour délocaliser

" [...] l'entreprise se voit offrir ces mille subventions, exonérations, possibilités de contrats avantageux pour elle afin qu'elle embauche. Et ne délocalise pas. Bienveillante, elle prend. N'embauche pas. Délocalise ou menace de le faire si tout ne se passe pas à son gré. " (pp. 117-118 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

" [...] Ou bien, toujours sur les ondes [note : RTL, 8 juillet 1995.], c'est le président du CNPF, le patron des " forces vives " de ce pays, qui, à propos d'avantages récemment consentis (offerts avec enthousiasme, plutôt) à ses troupes afin toujours qu'elles embauchent, se montre réticent non à accepter d'en profiter, ce qu'avec ses ouailles il s'apprête à faire, mais à ce qui leur est demandé (timidement suggéré plutôt) en retour. Assez scandalisé, il finit par admettre que chez Untel, dans telle entreprise, on pourra peut-être, grâce aux subventions accordées pour embaucher, " faire l'effort de diminuer un peu le taux de licenciement annuel, qui est de 5% " ! D'ailleurs, " parler de contrepartie en ce domaine dénote une mauvaise compréhension de la réalité économique " [note : Tribune Desfossé, 30 mai 1994.]. " (pp. 128-129 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Employer ? un acte de charité

" [...] les employeurs [...] ne consentent à faire quelques efforts languissants pour embaucher ou pour ne pas licencier des travailleurs que si ces travailleurs sont mis en condition d'accepter n'importe quoi. [...] Il est donc normal de disposer de ces oiseux, de discuter à leur propos sans qu'ils aient accès à ces discussions. Normal encore que ceux qui détiennent la dignité puissent parler à leur place, et puissent envisager de les dresser comme on ferait d'animaux, avec des méthodes efficaces comme celle qui consiste à les inscrire pour leur bien dans une " insécurité " méthodiquement étudiée, délibérément organisée, aux retombées cependant si douloureuses qu'elles peuvent saccager des vies, les abréger parfois.

N'est-ce pas faire acte de charité que de s'occuper d'eux ? " (pp. 132-133 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Les fuites de capitaux, les boucs émissaires et les politiques

" Quant aux fuites de capitaux hors de tout circuit fiscal, elles priveront de ressources les structures économiques et sociales de l'Etat escroqué. [...]

Mais qui s'en indignerait vraiment, hormis certains spécialistes ? L'opinion se soucie bien davantage (et avec véhémence) de la présence d'" étrangers " – c'est-à-dire d'étrangers pauvres – supposés rafler des emplois inexistants [...].

Sus aux immigrés qui entrent, bon vent aux capitaux qui sortent ! Il est plus facile de s'en prendre aux faibles qui arrivent, ou qui sont là, et même arrivés depuis longtemps, qu'aux puissants qui désertent ! [...]

Les pouvoirs et les puissances se gardent bien de rien éclairer. Ils attisent les rejets, apprécient le flou dans lequel se trament les délocalisations, les fuites de capitaux et autres opérations plus ou moins licites, et savourent la tranquillité de leur règne sur des ouailles divisées.

Les pays occidentaux ferment donc jalousement leurs frontières terrestres à " la misère du monde ", mais laissent s'échapper par des routes virtuelles les richesses auxquelles leurs citoyens impuissants, désinformés, s'imaginent avoir encore droit, celles qu'ils croient encore posséder et devoir défendre, mais qu'ils laissent fuir sans émotion.

Ce ne sont pas les immigrés qui épuisent chez nous une masse salariale déjà en voie de disparition, mais plutôt, parmi les habitants des contrées défavorisées, ceux qui ne sont pas devenus des étrangers, ceux qui n'ont pas émigré, mais qui, demeurés au sein de leurs propres pays, travaillent à des prix (si l'on peut dire) d'aumône, sans protection sociale, dans des conditions oubliées ici. [...]

Les marchés peuvent choisir leurs pauvres dans des circuits élargis ; le catalogue s'enrichit, car il existe désormais des pauvres pauvres et des pauvres riches. Et il en existe – on en découvre toujours – d'encore plus pauvres, moins difficiles, moins " exigeants ". Pas exigeants du tout. Des soldes fantastiques. Des promotions partout. Le travail est pour rien si l'on sait voyager. Autre avantage : le choix de ces pauvres-là, de ces pauvres pauvres, appauvrira les pauvres riches qui, devenus plus pauvres, proches des pauvres pauvres, seront à leur tour moins exigeants. La belle époque ! "

(pp. 142-143-144-145 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

L'ultralibéralisme ou l'alignement vers le bas

"  [...] Rien ne saurait mieux démontrer la puissance de l'économie privée, son hégémonie. [...] Rien, sinon le chantage exercé à partir de là sur les politiques des pays développés afin qu'elles s'alignent sur le bas, diminuent la fiscalité, réduisent les dépensent publiques, les protections sociales, réglementent les déréglementations, les dérégulations, et " libèrent " le droit de licencier sans contrôle, abolissent le salaire minimum, flexibilisent le travail, et cætera, et cætera. " (p. 145-146 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Les sous-SMIC

" On se rue sur les CES, qui offrent de si belles carrières et débouchent, avec un peu de chance, sur un autre CES, c'est-à-dire un contrat à temps déterminé, tout à fait temporaire. Travail à temps partiel. Salaire équivalent à la moitié du SMIC, soit environ 2 800 F par mois ! " (pp. 148-149 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Baisse du chômage, hantise de la Bourse

" Un détail presque anecdotique. Alors que tous les politiciens s'égosillent à nous confier leur ardeur à lutter contre le chômage, l'annonce d'une baisse de celui-ci aux Etats-Unis a fait s'effondrer, très récemment, les cours de la Bourse dans le monde entier. On pouvait lire dans Le Monde du 12 mars 1996 : " Le vendredi 8 mars laissera sur les marchés financiers la trace d'une journée noire. La publication des chiffres excellents, mais inattendus sur l'Emploi aux Etats-Unis a été reçue comme une douche froide [...] A Wall Street, l'indice Dow Jones, qui avait battu encore un record mardi, a terminé sur une dégringolade de plus de 3% ; il s'agit de la plus forte baisse en pourcentage depuis le 15 novembre 1991. Les places européennes ont aussi lourdement chuté... Les places financières semblent particulièrement vulnérables à toutes mauvaises nouvelles... " [...]

Autre détail : les mêmes cours montaient en flèche, il y a quelques années, à l'annonce d'un licenciement monstre par Xerox de dizaines de milliers de travailleurs. "

" Cette baisse de la Bourse dictée par celle du chômage a-t-elle frappé l'opinion ? On ne l'a guère soulignée. [...] N'y avait-il pas là quelque signe, quelque indice ? Eh bien non ! Il n'a pas semblé. Même si la contradiction était radicale avec les lyrismes du discours général, avec les sempiternelles déclarations des politiques, celles aussi des chefs d'entreprise. Même si c'était un aveu des puissances financières reconnaissant là leurs intérêts véritables [...]. " (pp. 150-151-152 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

La fin du travail aurait pu être une libération

" En 1980 encore, nous pouvions écrire : " ... Il est surprenant que la cybernétique ne se soit développée sous aucun régime. Que l'on s'en tienne toujours au même marché bancal et opprimant. La cybernétique n'est pas forcément une "solution", mais que l'on ignore cette possibilité fait tout de même symptôme. Manque d'imagination ? Au contraire, trop d'imagination ! Et que terrifie la liberté... " [La Violence du calme par Viviane Forrester] Car l'idée de la fin du travail, ou de tout ce qui allait dans cette voie, ne pouvait alors être tenue que pour une libération ! "

" [Les conséquences de la cybernétique], inscrites dans nos mœurs, auraient dû être des plus bénéfiques, presque miraculeuses. Elles ont des effets désastreux.

Au lieu d'ouvrir la voie d'une diminution et même d'une abolition bienvenues, concertées du travail, elle suscite sa raréfaction [...]

Loin de représenter une délivrance favorable à tous, proche d'un fantasme paradisiaque, l'évanouissement du travail devient une menace [...] " (pp. 158-159 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Les "résultats" du modèle anglo-saxon

" Ce dernier [le modèle anglo-saxon] obtient depuis quelque temps une baisse du chômage dans les statistiques grâce à une aide sociale qui frôle le degré zéro, à une maestria spectaculaire de la flexibilité du travail, et surtout grâce au fait que, selon le secrétaire du Travail lui-même, Robert Reich [Le Monde, 7-8 avril 1996.], par ailleurs grand économiste, souvent visionnaire, " les Etats-Unis continuent de tolérer une grande disparité dans les revenus – la plus importante de tous les pays industrialisés –, laquelle serait sans doute intolérable dans la plupart des pays d'Europe occidentale ". Mais cette misère " intolérable ", fondée sur ce qui est présenté pudiquement comme une " grande disparité " entre l'indigence indicible d'un nombre impressionnant et l'opulence sans pareille d'une petite minorité, permet à Robert Reich de poursuivre : " En revanche, le pays a opté pour une plus grande flexibilité qui s'est traduite par davantage d'emplois. "

Voilà.

En clair, on est aussi pauvre, mais, en plus (si l'on ose dire), sans aide sociale, et tout en travaillant ! Triomphe des principes de l'OCDE et autres organisations mondiales. Non seulement les chômeurs davantage châtiés, le dénuement social accentué offrent au plus bas prix une main-d'œuvre dressée, manipulable à souhait, mais ils font baisser le taux du chômage. Cela se traduit par l'institutionnalisation d'une misère impensable dans un pays aussi puissant, où les fortunes s'amplifient dans des proportions jusqu'ici inconnues [...] "

" Aux Etats-Unis, remarquait Edmund S. Phelps, l'emploi est favorisé au détriment des salaires, alors qu'en Europe, les salaires le sont au détriment de l'emploi. Peut-être. Mais rien, nulle part, ne joue au détriment du profit ! " (pp. 166-167-171 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

La résistance française au modèle anglo-saxon

" [...] C'est surtout surprenant et dû, en France, à la résistance discrète d'une opinion silencieuse, inorganisée, mais nerveuse, apte à de soudaines vigilances et, sur beaucoup de points, encore peu liée ou même étrangère à la " pensée unique ". Une culture sociale et des acquis sociaux très enracinés nous maintiennent encore dans un ordre qui, pour être ébranlé, pour sembler céder, tient toujours d'un registre humain, lequel persiste à demeurer souvent une référence majeure. Même si, mondialisés comme il se doit, nous glissons plus ou moins insensiblement hors de cet ordre du droit, il est encore le nôtre. " (p. 174 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

L'obole donnée aux pauvres diminue

" Dans la majorité des cas, les allocations de chômage ne permettent de subsister qu'au-dessous, souvent très au-dessous du seuil de pauvreté. Tous les quatre mois elles diminuent de 15 à 25 pour cent. La durée des indemnisations a été raccourcie en 1992. Quant au RMI, il représente la somme fabuleuse de 2 300 F par mois ! Sans compter le nombre impressionnant de cas non inscrits. Sans compter certaines retraites, comme celles de veuves " vivant " avec 2 000 francs par mois. Sans compter aussi les poubelles que sont bien des " asiles " de vieillards. Vieillards pauvres, punis si cruellement, en ces lieux qui font la honte d'une " civilisation ", d'avoir vécu et d'encombrer encore. " (p. 178 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Notre dernière utilité : consommer

" Reste au grand nombre un dernier rôle à remplir, éminent : celui de consommateurs. Il convient à chacun : n'arrive-t-il pas, même aux plus défavorisés de manger, par exemple, des nouilles aux noms célèbres, plus honorés que leurs propres noms ? des nouilles cotées en Bourse ? [...]

Consommer, notre dernier recours. Notre dernière utilité. " (p. 179 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

Supprimer les acquis sociaux pour aider les pauvres

" On désintègre des institutions, on dégrade des acquis sociaux, mais, chaque fois, pour les préserver, pour leur donner une dernière chance : " C'est pour mieux te sauver, mon enfant ! " " (p. 186 de L'horreur économique par Viviane Forrester – 1996 – Fayard)

 

 

 

 

 

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