REMETTRE L'OMC A SA PLACE

(extraits de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits – 110 pages – 16,40 francs)

 

 

 

 

 

En résumé…

" L'Organisation mondiale du commerce est la seule institution internationale dotée de pouvoirs de coercition, via son Organe de règlement des différends.

Pour l'OMC, le commerce est une valeur se situant au-dessus de toute autre considération, qu'elle soit politique, culturelle, sanitaire ou écologique. Dans la galaxie libérale, c'est une étoile aussi brillante que le FMI ou la Banque mondiale.

La débâcle de Seattle n'a que momentanément freiné son ambition de transformer le monde en marchandise. On examinera en détail sa genèse, son idéologie, son fonctionnement et quelques-uns de ses hauts faits : banane, bœuf aux hormones, ainsi que les dangers dont nous menace l'Accord général sur le commerce des services. " (Susan George, au dos du livre Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

Parmi les thèmes développés

· Des règles mises en place par qui, pour qui ? · Naissance d'une organisation · L'OMC est-elle démocratique ? · De quoi s'occupe l'OMC ? · L'Accord sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce (ADPIC ou TRIPS) · L'Organe de règlement des différends (ORD) · Le cas du bœuf aux hormones · L'enjeu crucial de l'Accord général sur le commerce des services (AGCS/GATS) · Les articles les plus dangereux de l'AGCS

 

 

" Du commerce, oui ; des règles, oui – mais certainement pas celles de l'actuelle OMC " (p. 8 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

La création de l'OMC

" En 1994, à Marrakech, [...] 132 pays entrent dans une salle avec la casquette "GATT", organe créé par les Nations unies. Ils en ressortent avec une casquette "OMC", organe commercial totalement indépendant des Nations unies...

Dans l'accord instituant l'OMC, l'ONU est tout simplement abandonnée, oubliée. Cet oubli "autorise" l'OMC à se considérer comme [...] dégagée du corps de doctrine de l'ONU, au motif que sa vocation est purement commerciale et n'a donc pas à relever du droit international [...].

Concrètement cela veut dire que l'OMC n'est liée ni par la Charte, ni par la Déclaration universelle des Droits de l'homme, ni par le Pacte des droits économiques, sociaux et culturels, ni par la Charte des droits et devoirs économiques des Etats. [...] Les mots "droits de l'homme" ou "droits humains" ne figurent nulle part dans les textes des différents accords de l'OMC. " (p. 41 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

L'OMC en chiffres

" L'OMC compte 140 pays membres (mars 2001) et fonctionne avec un secrétariat de 533 personnes dont la majorité sont citoyens de pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). " (p. 17 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

" Pour une organisation de cette envergure, le budget annuel est relativement modeste – quelque 134 millions de francs suisses, soit environ 560 millions de francs français en 2001. " (p. 18 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

" [Les] Etats-Unis et l'Union européenne sont de loin les plus gros utilisateurs du système ORD [Organe de règlement des différends, la "Cour suprême" de l'OMC]. Depuis 1995, ils ont respectivement déposé 60 et 50 plaintes et ont été cités dans 42 et 28 cas. " (p. 44 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

De quoi s'occupe l'OMC ?

" Comme il [...] existe plus de deux douzaines d'accords, nous ne mentionnerons que les principaux (avec parfois leur désignation en anglais, qui est la plus commune).

-l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce – c'est-à-dire le GATT, toujours en vigueur, avec quelques modifications apportées par l'Acte final de Marrakech. On l'appelle désormais le "GATT 1994" et il couvre toujours le domaine des marchandises ;

-l'Accord général sur le commerce des services – AGCS (GATS : General Agreement on Trade in Services) ;

-l'Accord sur l'agriculture ;

-l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle liés au commerce – ADPIC (TRIPS : Trade Related Aspects of Intellectual Property Rights) ;

-l'Accord concernant les mesures concernant l'investissement et liées au commerce (TRIMs : Trade Related Investment Measures) ;

-l'Accord sur les obstacles techniques au commerce (TBT : Technical Barriers to Trade) ;

-l'Accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS : Sanitary and Phyto-Sanitary Measures) ;

-l'Accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends ou l'Organe de règlement des différends, ORD (DSM ou DSB : Dispute Settlement Mechanism or Body) qui est la "Cour suprême" de l'OMC. Il cumule des fonctions exécutives, législatives et judiciaires et peut imposer des sanctions, faire jurisprudence et déclarer illégale – c'est-à-dire "non conforme" avec les textes de l'OMC – telle ou telle disposition des législations nationales. " (pp. 22-23 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

L'OMC jusqu'à quand ?

" L'OMC est, par sa nature même, un forum de négociations permanentes, pas le résultat d'un traité achevé. L'Acte final donne l'obligation de tendre perpétuellement vers une "libéralisation progressive et accrue". " (p. 24 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

Des règles mises en place par qui, pour qui ?

" [Selon] l'actuel directeur de la division des services au secrétariat de l'OMC, David Hartridge, [...] : "sans les énormes pressions exercées par le secteur des services financiers américains, notamment par des compagnies comme American Express et Citicorp, il n'y aurait eu aucun accord sur les services et, de ce fait, peut-être pas de Cycle de l'Uruguay et pas d'OMC. [...]" " (pp. 11-12 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

La Commission européenne demande aux transnationales la liste des barrières au commerce les plus dérangeantes

" Le Forum des services européens (ESF : European Services Forum) a été créé par la Commission [européenne] selon la volonté de sir Leon Brittan, alors commissaire chargé du commerce, et proche de Margaret Thatcher. L'ESF regroupe plus de 80 firmes transnationales européennes actives dans les différents domaines des services ; il est présidé par le PDG de la banque Barclays, Andrew Buxton. Aussitôt après l'échec de la Conférence ministérielle de Seattle en décembre 1999, un haut fonctionnaire de la Commission écrivait à Buxton, le priant de faire collecter par ses collègues des informations sur les barrières au commerce "les plus dérangeantes pour leurs exportations", spécialement dans les domaines de "l'éducation, l'environnement, la santé et les services sociaux, les services audiovisuels" [Lettre de Robert Madelin, directeur à la direction générale du commerce de la Commission européenne à Andrew Buxton, président de la Barclays Bank, 24 janvier 2000]. " (p. 13 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

La Commission européenne est appréciée des industriels

" [Le baron Daniel Janssen, PDG du géant de la chimie Solvay et membre de l'ERT, un lobby industriel,] apprécie beaucoup la "nouvelle Commission plus puissante" : "La Commission joue le premier rôle dans de nombreux domaines de grande importance économique et elle est extrêmement ouverte à la communauté des affaires si bien que, quand des hommes d'affaires comme moi se trouvent face à un problème qui a besoin d'une contribution (input) politique, nous avons accès à d'excellents commissaires tels que Monti pour la concurrence, Lamy pour le commerce et Liikanen pour le commerce électronique et l'industrie." [Baron Daniel Janssen, The Pace of Economic Change in Europe, discours à l'assemblée générale annuelle de la Commission trilatérale, Tokyo, avril 2000] " (p. 14 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

La déclaration en anglais : " The Commission plays the lead role in many areas of economic importance and it is extremely open to the business community, so that when businessmen like me face an issue that needs political input, we have access to excellent Commissionners such as Monti for competition, Lamy for world trade and Liikanen for e-commerce and industry. " (p. 103 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

L'OMC est-elle démocratique ?

" L'OMC peut [...] apparaître de prime abord plus démocratique que la Banque mondiale ou le FMI puisque, en principe, les décisions y sont prises par "consensus". Si un vote doit intervenir, c'est sur la base d'"un pays, une voix" et non pas celle d'"un dollar, une voix". [...] Malgré les textes [...] aucun vote n'a jamais été enregistré dans l'enceinte de l'OMC. [...]

Le grand nombre de négociations hautement techniques sur des sujets très différents [...] réduisent drastiquement la participation de la plupart des pays du Sud et constituent pour eux un problème chronique. Au moins trois douzaines d'entre eux n'ont même pas d'ambassadeur permanent auprès de l'OMC, ou en partagent un. [*]

Même pour les pays en développement d'importance moyenne, et à moins de consacrer des ressources au maintien d'un personnel d'experts pléthorique et d'une représentation permanente à Genève, ville plutôt chère, il est pratiquement impossible d'être au courant de tout. " (pp. 20-21 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

[* D'après le compte-rendu d'une audition de Mike Moore, Directeur général de l'OMC, à l'Assemblée nationale, en France, le 09/10/2001, il a lui-même effectivement parlé de "la quarantaine de membres qui, faute de moyens, ne disposent d'aucune représentation permanente à Genève et ne peuvent donc pas s'y exprimer".]

 

 

Le principe de la nation la plus favorisée

" Le principe de la nation la plus favorisée (NPF) [...] stipule que chaque pays membre doit traiter les produits "similaires" exportés par un autre pays membre de manière identique ; il est illégal de discriminer entre différents fournisseurs étrangers de produits "similaires", tous devant être "favorisés" au même titre. [...]

Supposez que, pays membre de l'OMC, vous vous trouviez en tant qu'importateur devant deux ballons de football, l'un fabriqué par des gamins dans des conditions sanitaires et écologiques dramatiques, l'autre par des travailleurs adultes syndiqués. Selon les règles de l'OMC, vous ne devez pas favoriser l'un par rapport à l'autre en vous référant à ces différences car un ballon de foot est "similaire" à un autre ballon de foot. De même, l'Organe de règlement des différends (ORD) a jusqu'ici toujours refusé de laisser invoquer les dégâts environnementaux ou sanitaires pour justifier l'exclusion de tel ou tel produit [à une exception près : le litige concernant le refus de la France d'importer de l'amiante exportée par le Canada]. Ne sont exclus de la règle [...], du moins théoriquement, que les produits fabriqués par les prisonniers. " (pp. 25 et 27 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

OMC, libéralisme et protectionnisme

" Les pays les mieux dotés à présent pour fabriquer [...] n'importe quel [...] produit manufacturé sont arrivés sans exception à cet heureux résultat au moyen d'un strict protectionnisme que l'on refuse à présent aux nouveaux arrivants. Les Etats-Unis, le Japon, la France, l'Allemagne, mais aussi, plus récemment la Corée du Sud et la Chine se sont tous industrialisés à un moment donné de leur histoire derrière des frontières bien protégées. [...]

Et, parce qu'il doit ouvrir ses frontières et ne peut protéger ses "industries naissantes", forcément moins efficaces que celles qui sont arrivées, ailleurs, à maturité, chacun aura tendance à demeurer figé au niveau de développement où il s'est trouvé en devenant membre de cette organisation. " (pp. 30 et 32-33 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

L'Organe de Règlement des Différends (ORD)

" [L]'Organe de règlement des différends, ORD [...] est la "Cour suprême" de l'OMC. Il cumule des fonctions exécutives, législatives et judiciaires et peut imposer des sanctions, faire jurisprudence et déclarer illégale – c'est-à-dire "non conforme" avec les textes de l'OMC – telle ou telle disposition des législations nationales. " (p. 23 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

" Si le marché est régi par la "main invisible", le commerce, sous l'OMC, est régi par la main de fer de l'Organe de règlement des différends (ORD) qui incarne le pouvoir contraignant de l'organisation.

Lorsqu'un pays membre s'estime lésé par un autre, il demande en premier recours une "consultation" avec le gouvernement considéré comme fautif. L'ORD l'organise ; si une solution satisfaisante n'est pas trouvée dans les soixante jours, le plaignant demande à l'ORD la constitution d'un "panel" ou groupe social, c'est-à-dire d'une cour d'arbitrage. Celui-ci sera composé de trois experts ès commerce, choisis d'un commun accord sur des listes (rosters) tenues par le secrétariat. Les noms d'experts sont suggérés par les gouvernements ; aucun n'est élu par quiconque.

Le panel se réunit à huis clos. Il entend les arguments des avocats des deux parties et doit rendre son rapport dans les neuf mois. [...] Une fois rendu, le rapport du panel doit être adopté par l'ORD dans les soixante jours, sauf si l'une des parties a signifié son intention de faire appel. [...] La décision d'appel est contraignante et exécutoire. Le pays membre qui en a lésé un autre est sommé de mettre ses lois en conformité avec ses obligations à l'égard de l'OMC. Si, au bout d'un délai estimé "raisonnable", les mesures nécessaires n'ont pas été prises, l'ORD décidera du montant des sanctions que le membre lésé sera en droit d'appliquer. Ce membre choisira parmi des produits qu'exporte son adversaire condamné, et sera autorisé à leur imposer des droits de douane à la hauteur du montant des sanctions autorisées [...]. " (pp. 38-39 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

Un échantillon des décisions de l'ORD

" [...] l'Organe de règlement des différends (ORD) a jusqu'ici toujours refusé de laisser invoquer les dégâts environnementaux ou sanitaires pour justifier l'exclusion de tel ou tel produit [à une exception près : le litige concernant le refus de la France d'importer de l'amiante exportée par le Canada]. " (p. 27 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

1. Le bœuf aux hormones. " [L'Union européenne] est condamnée en appel pour son refus [pour des raisons de santé publique] d'importer le bœuf aux hormones des Etats-Unis et du Canada [une viande qu'elle s'interdit elle-même de produire], mais n'obtempère pas dans un délai jugé raisonnable. L'ORD fixe alors le dommage annuel subi par les Etats-Unis à 116 millions et à 13 millions de dollars pour le Canada. Ces deux pays sont ainsi autorisés à taxer 100% des produits européens de leur choix (en l'occurrence, l'alimentation). Les Etats-Unis choisissent pour la France le roquefort, la moutarde de Dijon et le foie gras, plus d'autres produits pour d'autres pays européens comme les truffes blanches de l'Italie ou les jambons danois. [...] " (pp. 39-40 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

2. La loi thon/dauphins. " La loi américaine sur la protection des mammifères marins, dite "loi thon/dauphins", interdisait l'importation de thon péché par des filets encerclants, qui massacraient des millions de dauphins. [...] Le panel du GATT l'a pourtant déclarée non conforme aux règles de l'OMC, jugeant que les Etats-Unis auraient pu protéger les dauphins par d'autres moyens [...]. L'ORD n'a pas précisé lesquels. " (pp. 42-43 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

3. Le Clean Air Act. " Le tout premier litige qu'a tranché l'ORD, à la suite de la plainte déposée par le Venezuela, a donné lieu à la condamnation des Etats-Unis à admettre à nouveau l'importation d'un carburant contenant un additif interdit par la "loi sur l'air propre" (Clean Air Act) et à réviser le décret d'application de la loi concernée. " (p. 43 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

4. Les tortues de mer. " Les mêmes raisonnements que dans le cas thon/dauphins ont été invoqués pour refuser des restrictions sur l'importation de crevettes pêchées avec des bateaux qui tuaient des tortues de mer, espèce marine en danger. On aurait pu, d'après le panel, protéger les tortues autrement. " (p. 43 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

5. Le saumon canadien. " L'Australie a cherché à empêcher les importations de saumon du Canada, arguant que les saumons de cette provenance contiennent vingt types de bactéries inconnues en Australie, susceptibles d'infecter les espèces locales et même la population humaine après ingestion. Une fois de plus, l'ORD a écarté le principe de précaution. " (p. 43 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

6. La banane. " La convention de Lomé, signée en 1975 entre l'Union européenne et ses anciennes colonies de l'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (pays ACP), donne des accès garantis et accorde des prix préférentiels à certains produits de ces pays, dont la banane. La compagnie Chiquita Brands [...] trouve cette convention intolérable car elle limite les marchés de ses bananes cultivées en Equateur ou en Amérique centrale. Chiquita fait entendre ses doléances au président Clinton, après avoir généreusement rempli ses caisses électorales. Les Etats-Unis, un pays sur le sol duquel nulle banane n'a jamais poussé, portent plainte contre l'Union européenne. [... Les] Etats-Unis gagnent devant l'ORD. Une fois de plus, peu importe l'histoire du produit, ses processus et méthodes de production. En l'occurrence, les bananes des Caraïbes sont produites surtout par des petits cultivateurs [...] ; celles de Chiquita sur des plantations copieusement arrosées de pesticides par des travailleurs non syndiqués, payés des salaires de misère pour des journées de travail de douze à dix-huit heures.

Les petites nations ACP sont très dépendantes de leur production de bananes qui représente souvent entre les deux tiers et 90% de leurs revenus d'exportation. [...] Cette décision [de l'ORD] affirme symboliquement que l'Europe n'a pas le droit d'élaborer une politique étrangère ou de coopération [...] aussi limitée et parcellaire soit-elle. " (pp. 45-46 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

7. Les cigarettes thaïlandaises. " Les Thaïlandais ne peuvent interdire l'importation de cigarettes américaines, même si celles-ci contiennent plus de produits chimiques, de goudrons et d'additifs que les cigarettes locales. " (p. 78 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

L'AGCS (Accord général sur le commerce des services)
ou la privatisation des services publics

" Le ministère américain (USTR) a bien résumé les objectifs de l'accord : "L'AGCS est fait à dessein pour réduire ou éliminer les mesures gouvernementales qui empêchent les services d'être librement fournis à travers les frontières nationales." [...]

Les services dont s'occupe l'AGCS ne représentent pas seulement des transactions commerciales portant sur une valeur de quelque 1 300 milliards de dollars chaque année, soit environ 22% de tout le commerce mondial, mais ils s'étendent à presque toutes les activités humaines.

Ce vocable apparemment innocent, les "services", vise onze grands secteurs – douze si l'on compte la catégorie "Autres" – et quelque 160 sous-secteurs [...]. Les grands chapitres concernent : Services aux affaires ; Communications ; Construction / Ingénierie ; Distribution ; Education ; Environnement ; Finances ; Santé/Services sociaux ; Tourisme ; Loisirs/Culture/Sports ; Transports ; "Autres". [...] Les seules activités échappant à peu près totalement à l'AGCS – et encore – sont les banques centrales, la justice, la police et la défense nationale. " (pp. 57-58 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

" L'article I,3,b de l'AGCS déclare que les services objets de l'accord comprennent "tous les services dans tous les secteurs à l'exception des services fournis dans l'exercice du pouvoir gouvernemental". Très bien, se dit-on, nous voilà sauvés, puisque les services publics, l'éducation, la poste, les services sociaux, etc., sont tous clairement fournis dans "l'exercice du pouvoir gouvernemental".

Hélas, ce "pouvoir" est aussitôt circonscrit par l'article I,3,c : pour échapper aux règles de l'AGCS, le service ne doit être fourni par le gouvernement "ni sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de services". [...] Vous payez le billet de train, le timbre-poste ou le ticket de métro "sur une base commerciale" et vous avez le choix entre l'école, l'hôpital publics ou privés qui sont de facto "en concurrence". " (p. 74 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

" Des marchés gigantesques se profilent : l'on estime à 2 000 milliards de dollars le "marché" de l'éducation mondiale et jusqu'à 3 500 milliards de dollars celui de la santé. " (p. 54 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

" Par ailleurs, dans les domaines "engagés" [par un gouvernement], les fournisseurs étrangers ont droit au "traitement national" et cette règle s'applique aussi bien aux éventuelles subventions qu'aux autres mesures. L'article XVII est formel à ce sujet : une firme étrangère a le droit de percevoir les même subventions de l'Etat qu'un service public ou national. Comme l'expliquent des chercheurs de l'OMC, l'obligation d'accorder des subventions à tous les fournisseurs sans discrimination est un puissant argument pour éliminer intégralement la subvention. C'est aussi une manière déguisée d'aller vers la privatisation. " (p. 83 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

" Les gouvernements qui prétendent, peut-être de bonne foi, pouvoir protéger leurs services publics et leurs citoyens ne savent pas forcément à quelle sauce on prévoit de les manger à Genève ou à Bruxelles. L'ancien directeur général de l'OMC, Renato Ruggiero, l'a parfaitement mis en lumière : "L'AGCS fournit des garanties sur un champ de droit et de régulation bien plus vaste que celui du GATT [...]. Je crois que ni les gouvernements ni les entreprises n'ont encore apprécié toute l'étendue de ces garanties, ni toutes les implications de leurs engagements existants." [2 juin 1998] " (p. 87 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

=> Si vous voulez en savoir plus sur l'AGCS, vous pouvez m'envoyer un mail .

 

 

Casser les salaires avec l'AGCS

" Les services peuvent être fournis, pour utiliser le jargon maison, selon quatre "modes". [... Le] quatrième mode, la "présence de personnes naturelles", [...] concerne l'importation de personnel estimé nécessaire [...] pour fournir un service. C'est en fait un boulevard aux abus en tout genre. [...]

Le secrétariat de l'OMC ne s'y est pas trompé [...] en traitant de cette question. Dans son étude "pré-Seattle" sur les services de santé, il écrit : "Les bénéfices significatifs ne viendront pas tant de la construction et de la gestion des hôpitaux, etc., que de la possibilité d'y employer un personnel plus qualifié, plus efficace et/ou moins cher que celui qui pourrait se trouver sur le marché du travail local." [...]

L'AGCS, grâce au "mode 4", pourra permettre l'entrée de travailleurs dans l'exacte mesure des exigences des employeurs transnationaux, ou faire accomplir le travail "mobile" ailleurs. [...]

Comment voir dans le "mode 4" autre chose qu'une tentative de "casser" les salaires [...] et d'entamer petit à petit [...] le droit du travail élaboré par chaque pays ?

Ce personnel importé n'aurait de permis de séjour que pour la durée de son contrat de travail. On nous affirme que la législation nationale du travail (SMIC, etc.) s'appliquerait théoriquement à toute personne travaillant sur le territoire national, mais les textes ne sont pas précis sur ce point, et il est de toute manière évident que ces personnes seraient corvéables à merci, exerceraient bien malgré elles une pression vers le bas sur les salaires des travailleurs nationaux et ne seraient guère portées à se syndiquer... Ce "mode 4" écrémerait de surcroît le Sud de ses meilleurs éléments, renforçant le processus de brain drain [...]. " (pp. 59 à 62 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits) 

 

 

L'éducation et la santé "mûres" pour la libéralisation ?

" L'ultralibéral sir Leon (désormais lord) Brittan a passé les rênes à Pascal Lamy [au poste de commissaire européen au commerce], nommé à la Commission par le gouvernement socialiste français. [...]

Le commissaire Lamy a non seulement maintenu intact le programme de son prédécesseur, mais a gardé tous ses collaborateurs, triés sur le volet pour leurs convictions néolibérales. Ainsi, Michel Servoz [...] : "L'éducation et la santé sont mûres pour la libéralisation." [cité in Washington Trade Daily, 4 juin 1999]

Cette orientation est confirmée dans une lettre adressée par M. Robert Madelin, collaborateur direct du commissaire Lamy au président de l'ESF [European Services Forum] : "Parmi les premiers candidats (à la libéralisation) nous avons identifié le tourisme et les services aux entreprises et les services professionnels ainsi que la distribution. D'autres secteurs, sur lesquels il nous faudrait davantage d'informations, sont la construction, l'éducation, la santé et les services sociaux et les services audiovisuels." [*]

Et de nouveau M. Servoz : "Certains secteurs nous paraissent d'une importance croissante et nous voudrions y voir un niveau plus élevé d'engagements. Il s'agit des services de l'environnement, de la construction, de la distribution, de la santé et de l'éducation. [...]" [...]

La Coalition des industries de services américains (USCSI) milite pour des actions musclées contre toutes les barrières restantes.

Il ne s'agit, pour l'USCSI, de rien de moins que "d'atteindre la libéralisation maximale dans tous les modes de fourniture sur l'étendue maximale de services dans le délai le plus court" ; et d'y ajouter en chemin de "nouveaux secteurs dans l'effort de libéralisation [y compris...] l'énergie, l'environnement, et puis les services qui n'ont pas encore reçu l'attention qu'ils méritent comme l'éducation et la santé". " (pp. 67 à 69 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

[* La déclaration en anglais : "As early candidates (for liberalisation) we identified tourism and business/professional services as well as distribution. Other sectors on which we need more information are construction, education, environmental, health and social services and audiovisual services." (Lettre de M. Robert Madelin, directeur de division à la Commission, DG1, à M. Andrew Buxton, président de l'European Services Forum (ESF) et PDG de la Barclays Bank, 24 janvier 2000)]

 

 

L'engrenage de l'AGCS

" [... L]'AGCS n'est pas un traité bouclé une fois pour toutes. C'est un accord-cadre dont la vocation est d'être constamment "amélioré" dans le sens d'une "libéralisation progressive" (c'est d'ailleurs l'intitulé de la quatrième partie du texte de l'AGCS). Cette "amélioration" sera acquise à travers des séries de négociations successives auxquelles aucun terme n'est fixé – du moins jusqu'à la réalisation de l'utopie énoncée par l'USTR américain où seront "réduites ou éliminées toutes les mesures gouvernementales qui empêchent les services d'être librement fournis à travers les frontières nationales." " (p. 59 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

" Une fois "engagé", un gouvernement aura beaucoup de mal à modifier ou à retirer un service de sa liste. Les dispositions de l'article XXI lui imposent, dans ce cas, de proposer une "compensation" sur la base de "la nation la plus favorisée", c'est-à-dire à tous les membres qui se considèrent comme affectés. La compensation n'est pas immédiatement financière, mais consistera en la libéralisation d'un autre domaine que les partenaires commerciaux jugent d'une valeur équivalente. " (pp. 83-84 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

Quelques propositions pour un commerce juste et équitable

1. " Avant tout, il faut un moratoire sur l'ensemble des négociations de l'OMC " afin de dresser un bilan de leur impact (comme c'était d'ailleurs prévu dans les textes de l'OMC). (p. 93 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

2. " Le droit absolu des gouvernements de réglementer les services publics sur leur territoire doit être clairement réaffirmé [...] " (p. 93 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

3. L'ORD doit être contraint de subordonner ses décisions au droit international tel qu'il s'exprime dans la Déclaration universelle des Droits de l'homme (et les chartes), dans les conventions de base de l'Organisation internationale du travail (OIT) et dans les différents accords multilatéraux sur l'environnement. Certains préconisent une Cour internationale pour les crimes économiques sur le modèle de la Cour internationale de justice dans le domaine des crimes contre l'humanité. [...] " (pp. 94-95 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

5. " L'application du principe de précaution doit être considérée comme allant de soi. " (p. 95 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

7. " Au lieu de favoriser la "course vers le fond" et les cercles vicieux, il faut trouver des mécanismes qui mettent en place des "cercles vertueux" pour récompenser les pays qui font des efforts, chacun à leur niveau, pour préserver l'environnement et favoriser les travailleurs [...]. On pourrait imaginer, sur la base d'une certification du BIT et d'un organisme environnemental international agréé, que les pays les plus responsables bénéficient d'un accès privilégié aux marchés des importateurs et reçoivent éventuellement des primes. Il est impossible d'imposer les mêmes normes sociales à tous les pays, quel que soit leur niveau de développement [...]. Mais il ne devrait pas être impossible pour autant de récompenser les pays qui [...] font le plus d'efforts dans le sens du progrès social et environnemental. " (pp. 96-97 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

9. " Chaque fois que c'est possible, les pays du Nord, dans leurs achats de matières premières, doivent promouvoir le commerce dit "équitable" qui privilégie une juste rémunération pour les producteurs travaillant dans des conditions décentes. [...] " (p. 95 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

10. Des mesures doivent être prises pour mettre fin à la " scandaleuse interdiction de la fabrication et de la distribution des médicaments génériques (contre le sida, la malaria, la tuberculose, etc.) [...qui] n'est autre chose qu'une contribution à un génocide [...] " (p. 98 de Remettre l'OMC à sa place par Susan George – 2001 – Mille et une nuits)

 

 

 

 

 

 

 

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