N° 2801

--

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 décembre 2000.

RAPPORT D'INFORMATION

DÉPOSÉ

en application de l'article 145 du Règlement

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

sur

les activités et le contrôle du Fonds monétaire international
et de la Banque mondiale,

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Yves TAVERNIER,

Député.

-- 

 

 

INTRODUCTION

 

Le nombre des pauvres sur terre sera réduit de moitié à l'horizon de l'an 2015. La prophétie ne vient pas d'un gourou messianique annonçant un monde meilleur dans un proche avenir. Cette annonce révolutionnaire pour la société des hommes a été faite par les chefs d'État et de gouvernement réunis à New-York du 6 au 8 septembre 2000 à l'occasion du sommet dit " du Millénaire ".

Mesurons ce que peut avoir de révolutionnaire un tel message valant engagement. En ce début du troisième millénaire, 3 milliards d'êtres humains vivent avec moins de 2 dollars par jour et plus de 1 milliard 200 millions d'entre eux tentent de survivre avec moins de 1 dollar.

Au coeur de ce combat pour la défense des valeurs essentielles des droits de l'homme se situent les institutions financières internationales... du moins si l'on en croit leur discours. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont placé " les damnés de la terre " au coeur de leurs préoccupations. Elles affirment avoir fait de l'éradication de la pauvreté l'objectif ultime de leur mission.

" Les pauvres veulent faire entendre leur voix " déclarait à Prague, le 26 septembre dernier, M. James D. Wolfensohn. Le président de la Banque mondiale affirmait avoir appris d'une habitante des favélas brésiliennes, d'un pêcheur de crevettes vietnamien et d'un chef religieux ivoirien, la nature profonde de la misère. Il s'est alors engagé à défendre " cette humanité commune " et surtout à " combattre la pauvreté avec passion " (1).

Cet humanisme profond qui renvoie aux valeurs des droits de l'homme et du citoyen ne correspond pas à l'image communément reçue des institutions de Bretton-Woods. Le citoyen du monde perçoit le fonctionnaire de ces organisations comme un animal à sang froid, plus préoccupé par les courbes de rentabilité que par la progression du SIDA. Apparemment, il a tort. Les institutions financières internationales entendent donner à leur démarche une valeur éthique et spirituelle.

Leur rôle moteur pour assurer les grands équilibres économiques entre les nations, oeuvrer pour promouvoir la bonne " gouvernance " au sommet des États et favoriser le développement des pays du Tiers Monde, en font des instruments majeurs de l'équilibre et de la paix dans le Monde.

Aussi est-il naturel que les parlements s'interrogent sur leur rôle et sur leurs objectifs, analysent leurs actions et jugent leurs résultats. Force est de constater que le Parlement français n'a guère exercé, jusqu'à ce jour, sa capacité d'analyse critique à leur égard. Il était admis, de fait, que l'univers financier international relevait exclusivement de la compétence et de la sagacité du ministère des finances et de sa direction du Trésor.

Il a fallu attendre une loi de finances rectificative, au cours de l'hiver 1998, pour que l'Assemblée Nationale sorte d'hibernation et demande que des comptes lui soient rendus sur l'argent public engagé par la France auprès des institutions financières internationales. Il est vrai que le Gouvernement sollicitait de la représentation nationale, l'approbation d'une augmentation de 45 % de la quote-part de la France au FMI, soit la modique somme de 27 milliards de francs.

Le Rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée Nationale, M. Didier Migaud, s'est naturellement interrogé sur la légitimité d'une telle demande. Il est apparu qu'elle découlait des conséquences de la politique conduite par les institutions financières internationales en Extrême-Orient, en Russie et dans certains pays d'Amérique latine.

Les députés ont alors esquissé un débat sur le bien-fondé des objectifs, des moyens et des méthodes du FMI et de la Banque mondiale. Les erreurs d'analyse, les présupposés idéologiques sur les bons choix économiques conjugués au soutien contesté à certains régimes politiques, méritaient pour le moins réflexion et discussion.

Le cadre d'un simple article dans une loi de finances rectificative n'était pas le mieux adapté à une discussion approfondie sur le système financier international, sur les conditions d'une croissance économique durable et sur le développement à l'échelle planétaire. Sur proposition du Rapporteur général, il a donc été décidé d'exiger du Gouvernement un rapport annuel au Parlement sur les activités du Fonds monétaire international qui fut, sur proposition de votre Rapporteur, étendu au groupe de la Banque mondiale (2).

L'Assemblée Nationale ne pouvait demeurer plus longtemps étrangère à une politique qui mobilise des moyens financiers considérables, qui se trouve au coeur des discussions sur la mondialisation et dont dépend la vie d'une grande partie de l'humanité. Elle se devait d'être à l'écoute des contestations de plus en plus vives qui, de Seattle à Prague, en passant par Washington et Nice, s'élèvent contre un nouvel ordre mondial conçu, régi et contrôlé par les États les plus riches, au bénéfice des groupes financiers et industriels qui dominent les marchés internationaux.

Pris de court, le Gouvernement a remis en juin 1999 un premier rapport sans grande consistance. Le document élaboré cette année est d'une autre qualité. Il constitue un élément sérieux d'information. Il traduit un premier effort de transparence. Il permet l'ouverture d'un débat public citoyen. Il introduit enfin les institutions financières internationales au coeur des enjeux de la vie démocratique française.

Il faut mettre fin à la conception monarchique d'un " domaine réservé " qui marginalise le Parlement et l'exclut trop souvent de secteurs relevant pourtant de son champ de contrôle. Il a fallu attendre le printemps de l'an 2000 pour qu'un premier débat sur la coopération soit organisé au Parlement. Il aura fallu attendre le 13 décembre 2000 pour que la commission des Finances de l'Assemblée Nationale se saisisse d'un premier rapport parlementaire sur les institutions financières internationales. Ces premiers pas méritent d'être soulignés. Mais ils sont encore bien modestes.

Les enjeux du débat sont considérables dans la mesure où les institutions de Bretton-Woods sont le révélateur et le maître d'ouvrage d'une vision du monde qui tente de s'imposer comme modèle universel. Nées de la Seconde guerre mondiale, instruments de la reconstruction de l'Europe, elles ont inscrit pleinement leur action dans le combat géopolitique de la guerre froide. Leur rôle était de fidéliser la clientèle du Tiers Monde en faveur du monde occidental. L'aide au développement répondait à un objectif éminemment politique.

À partir du début des années 1990, le Fonds monétaire et la Banque mondiale définissent un nouveau modèle caractérisé par l'ajustement des économies au marché mondial. Ils développent, sans contrainte, leur politique néolibérale reposant sur la régulation de l'économie par les marchés, réduisant le rôle des États et accordant la priorité à la libéralisation des échanges, aux privatisations et à la réduction des systèmes publics de protection sociale.

Cette logique les incite à préconiser une limitation des dépenses budgétaires qu'ils jugent improductives dans les domaines de la santé et de l'éducation. Ils demandent aux pays du Tiers Monde d'équilibrer le budget de l'État, la balance des paiements et la balance commerciale. Les peuples les plus pauvres doivent être les plus vertueux. Seuls les pays riches, qui contrôlent le FMI, peuvent échapper à son code de bonne conduite.

Les résultats de cette politique ont été souvent catastrophiques pour les populations les plus fragiles. Elle n'a pas permis un réel développement économique dans la plupart des pays. Elle a été un puissant facteur de corruption, d'aggravation des inégalités et d'extension de la pauvreté. La crise asiatique a montré les limites de cette politique dans des pays, telle la Corée du Sud, pendant longtemps considérés comme les élèves les plus brillants de la classe.

La prise de conscience des limites et des échecs de la pensée libérale a suscité une mise en cause du " consensus de Washington " qui accordait à la Banque mondiale et au FMI un rôle déterminant dans la mise en oeuvre de toutes les politiques d'aides de caractère bilatéral. Face aux effets plus que contestables de leurs politiques d'ajustement, les institutions financières internationales, recommandent, depuis quelques années, des mesures de caractère social destinées à donner un visage plus humain à leur action.

Les principes et les objectifs demeurent. Le Fonds et la Banque ont simplement ajouté à la potion des conditionnalités un doigt de charité et un zeste de compassion. Ainsi que l'analyse fort justement le professeur Jacques Valier, " ces politiques sociales qui restent dans une logique néolibérale se résument en deux formules : soyons patients... en attendant demain... ". Selon lui, pour la Banque mondiale, la première formule s'applique aux pauvres et la seconde aux très pauvres. Dans cette approche, le social est un simple produit de l'économique. Des " filets " de sécurité sont ainsi mis en place pour les plus faibles. Ils sont faits d'assistance et de charité publique. Ils excluent toute politique fondée sur l'égalité des droits sociaux.

Dans un premier temps, la lutte contre la pauvreté a été perçue comme une exigence éthique. La logique néolibérale admet que les risques d'explosions sociales et politiques peuvent remettre en cause l'ensemble du système. Il est donc utile de mettre un peu " d'huile dans les rouages ". Cette conception est aujourd'hui critiquée au sein même des institutions. Il est des voix, de plus en plus nombreuses, pour estimer que la lutte contre la pauvreté et les inégalités est une nécessité économique. Il ne faut pas que les pauvres troublent la paix sociale et compromettent l'efficacité de l'appareil productif. Ils doivent en être, au contraire, un moteur volontaire et dynamique. Ils méritent donc quelques égards.

Le temps des certitudes sur la bonne économie et sur la " bonne gouvernance " est heureusement fini. L'Organisation des Nations Unies, par la voix du Programme des Nations Unies pour le développement, dresse un tableau sans complaisance de l'état du monde : " En vingt ans, dans plus d'une centaine de pays du Tiers Monde et de l'ex-Europe de l'Est, on assiste à un effondrement de la croissance et à des baisses de niveau de vie plus importantes et plus durables que tout ce qu'on pu connaître les pays industrialisés, lors de la grande crise des années 30... Près de 1,6 milliard de personnes vivent plus mal qu'au début des années 80, souvent avec moins de un dollar par jour... le remboursement de la dette absorbe souvent entre un quart et un tiers des recettes publiques déjà limitées et empêche les investissements publics, portant cruciaux... ".

Devant un tel constat, la Banque mondiale et le FMI doivent se rendre à l'évidence : la croissance n'est pas à elle seul facteur de progrès, la mondialisation n'est pas, en elle-même, une chance pour l'humanité. Ils sont contraints d'assouplir leur démarche sous la pression de l'émergence brutale sur la scène internationale des mouvements associatifs, consuméristes et de solidarité qui remettent violemment en cause des dogmes libéraux qui régissent les relations économiques et financières.

Une réflexion fondamentale sur la transformation sociale et le développement est engagée au sein même des institutions internationales. Les forces de résistance y sont encore nombreuses et bien décidées à défendre la cause de l'orthodoxie. Il suffit, pour s'en convaincre, de lire le rapport sur la France établi par le FMI pour l'année 1999. Il est notamment recommandé à notre pays de réduire plus qu'il ne le fait ses dépenses publiques, de supprimer une partie des effectifs de la fonction publique, de mieux contrôler les dépenses maladie et de diminuer le salaire minimum pour les travailleurs sans qualification. Interrogé par votre Rapporteur sur les fondements idéologiques de telles recommandations, le directeur du bureau européen du Fonds a répondu fort sérieusement " le bon sens " (3). Il est à craindre que sa réponse ne soit pas une boutade.

L'hégémonie des institutions financières internationales est d'abord intellectuelle. Elles ont pu imposer leur loi avec d'autant plus de facilité que les Européens ont renoncé à défendre leur propre système de valeur et leur conception des rapports entre la politique, l'économique et le social.

La représentation française à Washington ne partage pas ce sentiment. Elle affirme oeuvrer pour une approche prenant mieux en compte le rôle des politiques publiques et la responsabilité des États. Nous en prenons acte. Mais force est d'observer que l'essentiel de la politique mise en oeuvre rencontre l'appui de la France. Le cas de l'Argentine est à cet égard éclairant. À la demande et avec l'appui du FMI, ce pays a conduit une politique économique d'une parfaite orthodoxie : privatisations à tout va, réduction du nombre de fonctionnaires, extrême rigueur budgétaire... Cette politique, soutenue par la représentation française, a eu des effets dramatiques pour la population et elle aboutit aujourd'hui à une situation économique catastrophique !

Appelé une nouvelle fois à la rescousse, le FMI débarque à Buenos Aires, fort des mêmes principes et des mêmes recettes. Pour surmonter les conséquences désastreuses d'une politique qu'il a préconisée, sinon imposée, le Fonds demande encore plus de privatisations et encore moins de politique sociale. Il exige entre autres que le système de sécurité sociale soit à terme supprimé et que l'âge de la retraite pour les femmes passe de soixante à soixante-cinq ans (4). Les populations les plus pauvres feront une fois encore les frais d'une politique destinée à sauver la mise des banques et des investisseurs privés. Ainsi que l'écrit fort justement le journal Le Monde, " sauver l'Argentine, c'est sauver sa politique orthodoxe. Pas sa population " (5). Il serait pour le moins nécessaire de savoir si la France soutient à Washington une politique que le Gouvernement français et la majorité parlementaire combattraient vigoureusement à Paris.

Le rapport du Gouvernement français au Parlement s'inscrit pleinement dans la logique des conceptions et de l'action de la Banque mondiale et du FMI. Certes, il soulève des questions, note des interrogations, énonce quelques doutes. Mais ses critiques demeurent pudiques. Votre Rapporteur n'a pas relevé de contradictions essentielles entre son contenu et les développements qu'offrent, sur leur site Internet, les deux institutions.

La France doit être présente dans le débat engagé pour la définition d'un nouveau modèle de développement. S'appuyant sur sa propre histoire économique et sociale, elle doit réaffirmer le rôle de l'État comme instrument des politiques sociales de répartition et de distribution, comme garant de l'intérêt général et comme producteur des liens sociaux. Notre expérience du service public et notre vision de la place respective des secteurs publics et privés dans le processus du développement doivent être des références.

Il est aujourd'hui admis qu'il ne peut y avoir de développement réel que s'il est voulu, géré, coordonné par les sociétés concernées et que s'il prend en compte les réalités sociopolitiques locales. L'insupportable prétention des " experts " de la Banque mondiale et du FMI à vouloir régenter les États, à dire le bien et le mal, à juger et à imposer les choix fondamentaux en lieu et place des peuples, doit être dénoncée avec force.

La lutte contre la pauvreté et pour la réduction des inégalités sociales exige la mobilisation des populations concernées. Elles seules peuvent définir valablement leurs besoins, mettre en oeuvre les instruments de transformation des techniques de production et faire évoluer les bases de l'organisation sociale. Telle n'est pas l'approche des institutions internationales. Leur démarche est normative. Elles pratiquent la charité et la compassion pour autant qu'elles les aident à consolider leur vision du monde. Entre " donner du poisson " apanage de la charité et " apprendre à pêcher " pierre angulaire du développement, semble s'être glissée la pratique du " leasing de cannes à pêche, coûteuses et fragiles ", traduction du nouveau credo de la Banque mondiale et du Fonds monétaire.

Le débat et les enjeux sont éminemment politiques. Le Congrès américain l'a bien compris. Il a conduit récemment un débat de fond sur la base d'un rapport établi sous la responsabilité du professeur Meltzer. Le Trésor des États-Unis n'a pas approuvé ce rapport. Le différend porte pour l'essentiel sur l'utilité que représentent la Banque et le Fonds pour les intérêts américains.

Quelle est leur utilité pour la France ? Pour les valeurs qu'elle défend, pour sa vision de l'équilibre du monde ? Il lui appartient de poser les vraies questions sur la construction d'un environnement international favorable à un développement durable et socialement équitable. Elle doit affirmer qu'il est possible de réguler l'économie et les échanges à partir du respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Dans le concert des Nations, la France doit affirmer avec force que le droit international ne peut pas être subordonné au droit des affaires et que le fondement du droit international ne peut être que la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Le Parlement doit prendre part à ce vaste chantier de réflexion, d'analyse et de propositions. Il le doit parce que la France est le quatrième bailleur de fonds de la Banque mondiale et du FMI. Sa quote-part au Fonds monétaire atteint 103 milliards de francs. Elle participe à hauteur de 25 milliards de francs aux nouveaux accords d'emprunt susceptibles d'être mobilisés en cas de besoin. Sa participation aux instruments de lutte contre la pauvreté s'élève au montant plafonné de 28 milliards de francs. Son apport au fonds fiduciaire en faveur des pays pauvres très endettés atteint 372 millions de francs.

La part de la France au capital de la Banque mondiale atteint 63 milliards de Francs (une partie seulement de ce capital a été versé). Sa participation cumulée aux diverses reconstitutions de l'Association internationale de développement s'élève à 54 milliards de francs. Sa contribution à la Société financière internationale est de 43 millions de francs. Elle apporte 690 millions de francs à l'Agence multilatérale de garantie des investissements.

Le Parlement doit se préoccuper, enfin, de ce dossier parce qu'à tout moment les institutions financières peuvent être pompiers ou incendiaires pour la paix du monde. Or la France y détient l'un des vingt-quatre sièges de chaque conseil d'administration. Est-il normal que son représentant ne rende compte qu'au ministère des finances et que le Parlement ne contrôle ni ne juge son action ? Cette situation typiquement française ne plaide pas pour un fonctionnement démocratique normal de nos institutions. En Allemagne et en Grande-Bretagne, le ministère des finances partage avec celui de la coopération la tutelle effective sur l'administrateur dans les deux institutions de Bretton-Woods. Aux États-Unis, le Congrès joue un rôle majeur dans la définition des objectifs et dans le contrôle des fonds.

Il est significatif que le rapport du Gouvernement ait été élaboré par le seul ministère des finances sans la moindre concertation avec son homologue des affaires étrangères et de la coopération. Or, les deux ministères n'ont pas la même approche de la politique financière internationale. Ainsi, dans une lettre du 21 juin 2000, la direction des affaires économiques et financière du Quai d'Orsay plaide pour que les Européens fassent " davantage entendre leur voix au chapitre en mettant en avant le bien-fondé de politiques redistributives adaptées aux conditions spécifiques des pays en développement " (6).

C'est pourquoi le présent rapport comble une lacune et se veut le premier maillon d'une nouvelle pratique. Il se situe dans une perspective historique qui seule permet de comprendre les ambiguïtés qui président à la destinée des deux principales institutions financières internationales. Faire l'impasse sur les évolutions de la philosophie, des objectifs et des modes d'action des deux soeurs de Bretton-Woods reviendrait à s'interdire de comprendre la situation actuelle et à se priver des moyens de saisir les enjeux essentiels.

Le présent rapport se veut un guide de lecture de celui du Gouvernement. Il met en perspective les débats relatifs aux institutions financières internationales. Il s'interroge sur leur réforme pour une plus grande efficacité et pour une plus grande justice sociale. Enfin votre Rapporteur s'attache à faire un certain nombre de propositions destinées à améliorer le contrôle de l'activité du Fonds monétaire et de la Banque mondiale.

Ce n'est peut-être pas encore la nuit du 4 août. Mais, ces propositions ont été conçues comme l'amorce d'une réforme en profondeur. Elles tentent de replacer l'homme au coeur des institutions financières internationales.

 

 

 

RÉSUMÉ DES PROPOSITIONS

I.- CIRCONSCRIRE LES MISSIONS DU FMI ET DE LA BANQUE MONDIALE

1.- Recentrer les activités du FMI sur ses missions financières et celles et de la Banque mondiale sur le soutien financier au développement

2.- Combattre l'idée de transformation de la Banque mondiale ou Banque de la Connaissance

3.- Rappeler avec vigueur de la part de la France que les politiques du Fonds monétaire et de la Banque mondiale ne constitue pas le seul modèle de développement

4.- Rompre clairement avec le consensus néolibéral de Washington

5.- Soumettre la Banque mondiale et le FMI aux règles du droit international, notamment en matière sociale

6. Mettre fin à la menace de la Banque mondiale sur le système des Nations Unies et garantir une coopération équilibrée entre les institutions de Bretton-Woods

7.- Mieux articuler les interventions de la Banque mondiale et des banques régionales

8.- Accroître les contributions volontaires aux budgets des agences spécialisées des Nations Unies et ainsi garantir qu'elles demeurent des interlocutrices privilégiées des pays pauvres

II.- Démocratiser le fonctionnement des institutions
de Bretton-Woods

9.- Améliorer leur représentativité : réorganiser les circonscriptions pour former des groupes de pays plus cohérents et renforcer la place des pays en développement

10.- Transformer le comité monétaire et financier international, composé des délégués des pays membres, en véritable gouvernement politique des institutions financières internationales

11.- Renforcer la transparence des flux financiers entre les institutions financières internationales et les pays membres et soumettre la comptabilité des premières aux standards internationaux

12.- Créer une cour des comptes et d'évaluation internationale

III.- CRÉER UNE COORDINATION EUROPÉENNE À L'ÉGARD DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES

13.- Organiser une coordination systématique de la position européenne au sein des institutions financières internationales

14.- Renforcer les liens entre les parlements européens sur ces questions

IV.- PERFECTIONNER LE PROCESSUS DE DÉTERMINATION
DE LA POSITION FRANÇAISE

15.- METTRE FIN AU MONOPOLE DU TRÉSOR EN EXIGEANT DE L'ADMINISTRATEUR FRANÇAIS QU'IL RENDE DES COMPTES NON SEULEMENT AU TRÉSOR MAIS ÉGALEMENT AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET EN NOMMANT UN DEUXIÈME ADMINISTRATEUR AUPRÈS LA BANQUE MONDIALE PLACÉ SOUS LA TUTELLE PRINCIPALE DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

16.- CRÉER UNE VÉRITABLE CONCERTATION INTERMINISTÉRIELLE EN DONNANT UNE NOUVELLE IMPULSION AU COMITÉ INTERMINISTÉRIEL DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE ET DU DÉVELOPPEMENT

17.- Associer à la définition de la position française des partenaires extérieurs, notamment les représentants de la société civile

V.- RENFORCER LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE

18.- AMÉLIORER LA QUALITÉ DU RAPPORT ANNUEL DU GOUVERNEMENT AU PARLEMENT SUR LES ACTIVITÉS DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES

19.- Instituer l'audition par le Parlement des administrateurs auprès du Fonds monétaire et de la Banque mondiale

20.- Créer une délégation parlementaire aux institutions économiques et financières internationales compétente pour suivre l'action du FMI et de la Banque mondiale, mais aussi de l'OCDE, de l'OMC, du Forum de stabilité financière et du G 7

 

Notes :

(1) M. James D. Wolfensohn, " Pour bâtir un monde équitable ", discours prononcé devant le conseil des gouverneurs, à Prague, le 26 septembre 2000. [Retour au texte]

(2) La Banque mondiale, strictement parlant, regroupe la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et l'Association internationale de développement (AID). Au sens large, le groupe de la Banque mondiale intègre également la Société financière internationale (SFI), l'Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI) et le Centre international de règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). [Retour au texte]

(3) Voir discours de M. Flemming Larsen, devant le Haut Conseil de la coopération internationale, le 8 novembre 2000. [Retour au texte]

(4) Voir Le Figaro du 26 novembre 2000. [Retour au texte]

(5) Voir Le Monde des 10 et 11 décembre 2000, " Le FMI à l'épreuve de l'Argentine ". [Retour au texte]

(6) M. Pierre Coste, " La Banque mondiale et l'éradication de la pauvreté : priorité des priorités ou simple exercice d'affichage ", 21 juin 2000. [Retour au texte]

 

 

 

 

Retour